ULTIMA NECAT
Sur ce site vous trouverez des informations sur nos spectacles en cours : Chutes, Lettres d’Amour de la Religieuse Portugaise, Un HOMME, Macbeth, Loretta Strong. Mais aussi des textes et images concernant nos spectacles passés : Vêpres, DACB, MC2, Rimbaud & Mallarmé. Vous aurez aussi des renseignements sur la compagnie, des données sur nos collaborateurs, des notes sur nos actions culturelles, des indications sur nos dates et rendez-vous, des directives pour nous contacter, des renvois vers nos photos ainsi que nos revues de presse.
CHUTES
ImagesDossier
NOTE D’INTENTION
Chutes c’est Alice au Pays des Merveilles dans le Londres post-punk des années 80 : un ensemble d’instantanés du monde, vus depuis un point précis ; un univers de curiosité où ce ne sont pas les intrigues des personnages qui font continuité mais l’agencement de leurs rencontres occasionnelles, à la manière de cartes de tarot dont on enchaîne les tirages, et où il nous faut prendre en charge la narration, car la cartomancienne demeure mutique. Il y a quelque chose à comprendre, mais il ne sera pas fait au spectateur le cadeau d’une interprétation mâchée. Motton compose un texte faisant du foisonnement des formes et légendes — qu’il maîtrise assurément par une culture immense — un humus pour une fable renouvelée du monde occidental. Les 23 personnages se sont échappés d’un Shakespeare pour prendre figure postmoderne : héros charismatiques de combats étranges, tel le Violent qu’un hélicoptère harcèle dans une étrange chorégraphie, Bouffons tel l’Homme qui a escaladé la tour des Postes — qu’on a bien connu en France à la tour Montparnasse — portant un message qu’il peine à comprendre lui même ; femmes sensuelles et dangereuses telle l’Amante Espagnole que le monde ne va pas aider à réunir à ses amants. Ils arpentent le monde comme dans un hall de gare avec des démarches extraordinaires, qu’on aurait pu voir dans un Fellini ou chez les Monty Pythons, tel Clancy, qui à mesure qu’il croise des personnages, leur vole attributs, fonctions et destins (des cheveux frisés, une claudication, une manie alimentaire…).La poétique de Motton est essentielle, elle permet de rendre à nouveau saillant un monde quotidien que nos yeux avaient depuis trop longtemps réduit à la trivialité, nous amène à nous y réengager avec une curiosité de nouveau né. La conclusion du texte est « il y a beaucoup de gens dans le monde », et ce n’est pas rien que d’avoir fait le trajet pour aboutir à cette fraîcheur de regard. Si, à la renaissance, il fallait aux humains l’image d’un Narcisse plongé dans le reflet d’un lac abyssal pour envisager la profondeur de leurs personnes, ici Motton propose à Narcisse le miroir agité de diffraction d’une flaque dans laquelle on a jeté un pavé.
En 88, année d’écriture de la pièce, j’avais 17 ans et je sortais d’une adolescence où je me formulais dans le style Mod’s. Mon Londres intérieur était fait de musiques des années 60, des Who, des Jams et de vestes à 4 boutons. Je roulais dans les rues de Paris en Vespa et en parka.
La poétique de Motton est pour moi des plus belles, de celles qui nous permettent de rendre à nouveau saillant ce qui nous paraissait trop évident de nos vies. Elle active des images qui ne sont pas des images, qui n’instituent rien, ne prétendent point donner un ordre au monde dans nos regards, mais tapent dans le faux-pli du tissu, trouent la toile de la réalité, pour nous laisser entre-perçevoir les petits bruits du monde réel qu’elle recouvre et masque par son vacarme. GL.