Ultima necat

LORETTA STRONG

Copi – Gaël Leveugle

 

Loretta Strong, terrienne en perdition, dérive dans l’espace. La terre a explosé. Elle converse au téléphone avec Linda, son alter-ego, dérivant elle aussi dans un satel- lite. Elle converse et interagit avec toutes sortes de créatures extra-terrestres et animaux terriens, plus ou moins terrifiants, plus ou moins hostiles ou stupides. La pièce emprunte en les standards de l’imagerie Science Fiction des années 70 (metal hurlant, ziggy…).

Mais, sous les traits d’humour acide de l’extravagant copi, caricaturiste autant qu’au- teur, la fiction devient délirante et les rats, les grille-pains, les plutoniens, les réverbé- rations des anneaux de Saturne se disputent l’invasion du corps de l’héroïne jusqu’à la faire exploser, et recombiner, encore et encore. La relation téléphonique devient une expérience physique et la conversation un poème punko-burlesque.

Vrai-faux monologue ou dialogue tronqué par l’artifice de la conversation télépho- nique, Loretta Strong est une voix-machine qui, au fur et à mesure qu’elle vit la fable qu’elle crée en l’énonçant, pousse le corps dans une catastrophe toujours plus grande, plus farcesque, plus féconde….

Nous mettre en relation avec le réel

 

Il y a un théâtre qui maintient les images, un théâtre qui les
institue, et un théâtre qui les liquide pour remettre en circulation,
dans nos vies, les énergies vitales qu’elles recouvrent sans savoir les traduire. Le monde bruit de mille discours, de mille interprétations, qui constituent un sur-texte à nos expériences sensibles. Appelons ce sur-texte réalité. La réalité, dans ce sens, ce n’est pas le réel. Là où la réalité traduit des mises en narration de nos vies, le réel est — comme disait Lacan — une chose dans quoi on se cogne. Dans cette mesure il apparaît possible d’oser le paradoxe que le théâtre peut être un lieu où nous sortons du cours réaliste de nos existences pour nous mettre en relation avec le réel. En d’autres termes, l’enjeu politique du théâtre serait-il
exclusivement imaginaire; de porter nos imaginaires à la hauteur de notre réalité? En rajoutant du bruit dans le bruit, de la réalité à la réalité, ne risque-t-on pas d’entretenir le vacarme ambiant? Et si l’exercice immémorial de la poésie était tout simplement de mettre des coups de canifs dans la toile peinte de la réalité, pour laisser passer une lumière que nous ne verrions pas sinon?

contact : contact@untm.net

14 rue du Cheval Blanc
54000 Nancy